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Drogue : la prison sous emprise

Les connaisseurs des prisons s’amusent à chaque fois de l’étonnement du visiteur qui voit le halo de fumée bleue et sent l’odeur d’herbe qui prend à la gorge dans les coursives de certains établissements pénitentiaires. La drogue est une compagne de détention. Son usage distord le temps qui passe, aide à supporter les difficultés de l’enfermement, de la promiscuité et de l’ennui. Elle « circule librement », comme en témoignent aussi bien les détenus que les surveillants.
C’est que la consommation de drogue en détention, notamment du cannabis, est un fait massif : 18 187 saisies de produits stupéfiants dans les lieux de détention ont été réalisées en 2022, selon des chiffres inédits du ministère de la justice que Le Monde s’est procurés ; 95 % concernaient du « shit » ou de la « beuh », le reste était composé d’autres substances, comme la cocaïne, le crack ou l’héroïne.
Les détenus les obtiennent par projection, grâce à des complices qui viennent aux abords de la prison et lancent les paquets au-dessus des murs, au moyen de livraisons par drone, mais aussi lors des parloirs, surtout depuis la fin des fouilles à nu obligatoires en 2009. Plus rarement, c’est avec la complicité de surveillants ou d’intervenants extérieurs que se fournissent les détenus, qui paient ensuite leur dose à des tarifs parfois deux fois plus élevés qu’au-dehors.
L’un des approvisionneurs de la prison de Neuvic (Dordogne), surnommé « Coffee Shop » par les autres détenus tant son offre de cannabis était large, a été condamné à deux ans de prison par le tribunal judiciaire de Périgueux, à l’été 2022. Sa compagne, condamnée elle aussi, avait pour habitude de dissimuler la drogue dans son soutien-gorge avant de la lui transmettre sous la table lors des parloirs. Coffee shop, qui passait commande par le biais du réseau social Snapchat, stockait le butin dans sa cellule (où 150 grammes de cannabis avaient été découverts lors d’une fouille), avant de la revendre à ses clients captifs.
La maison d’arrêt de Besançon a été le théâtre d’une affaire plus dramatique. Le 29 décembre 2023, deux codétenus, âgés de 34 ans et 36 ans, sont retrouvés morts dans leur cellule. Les rapports médicaux mettent en cause une overdose liée probablement à l’absorption d’un cocktail d’héroïne et de médicaments. Une situation inédite, selon l’administration pénitentiaire, qui ne répertorie qu’une poignée de décès par overdose chaque année. Le 25 janvier, un autre détenu de Besançon ainsi que sa compagne ont été mis en examen pour avoir fourni la drogue à l’origine des décès.
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